Comme dans le précédent article concernant l’allaitement, je ne souhaite ici juger ou faire de leçon à personne. Chaque femme, chaque maman fait ce qui lui semble le mieux pour son enfant, pour elle. Chacune fait aussi comme elle peut, avec la force, l’énergie, les moyens qu’elle a, à ce moment-là. Avec les capacités et les limites imposées par son corps aussi.
L’allaitement pour moi, c’est un peu comme l’accouchement en maison de naissance, avant même d’être enceinte, je savais que je voudrais tenter l’aventure avec mon bébé. Comme d’habitude, lorsque j’ai une idée dans la tête, autant vous dire qu’elle n’est pas ailleurs… et puisque l’allaitement est la chose la plus ancienne et naturelle du monde, elle m’apparaissait forcément comme un acte simple à vivre et à mettre en place avec mon futur enfant.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir vu l’une de mes amies les plus proches, incarnant la maman allaitante jusqu’au bout des ongles (ou des seins… j’ai envie de dire, désolée pour ce jeux de mot un peu limite !), batailler dur comme fer dans ses premiers mois. Je me souviens avoir également abordé la question dans mes cours de naturo… Sans parler de la préparation et du dialogue avec mes sages-femmes, qui m’avaient sans nul doute démystifier l’expérience.
Je n’ai, jusqu’à y être confrontée, absolument rien perçu, rien entendu, rien vu de ces difficultés potentielles… Ou rien voulu percevoir, entendre et voir. Exactement comme pour l’épisio sans péridurale… ce n’est qu’au moment où j’y été confrontée que j’ai compris que j’allais avoir très mal… J’ai l’impression que c’est un mécanisme qui se retrouve souvent chez moi, une sorte de protection finalement. Et en un sens c’est tant mieux, car il m’évite d’être (trop) dans la peur ou dans la crainte, de me poser trop de questions (là, c’est le moment où mes proches éclatent de rire !!), d’agir et de foncer en suivant mes ressentis et mes envies profondes.
Bref revenons-en à l’allaitement. Aujourd’hui mon petit bonhomme a 14 mois passés. 14 mois et autant de temps à le nourrir de mon lait. Lorsque j’y réfléchis, je trouve cela complètement dingue si je repense à nos débuts… lorsque chaque nouvelle journée où nous ne lâchions pas était une victoire. Où mon objectif d’alors était seulement de parvenir à le nourrir le jour suivant. Le lait maternel c’est juste la nourriture la plus magique et fascinante qui puisse exister. Quoiqu’on vous dise ou veuille vous faire croire : votre lait sera toujours assez riche pour votre bébé et vous pourrez toujours en avoir suffisamment (cf. article précédent) !
Pourtant, les premiers jours de vie de mon petit lapin, j’ai dû en douter au moins 50 fois par jour. La première tétée aux côtés de notre sage-femme s’est tout de suite bien passée…, mon bébé tétait parfaitement. J’étais épuisée mais aux anges et totalement émerveillée de tout, si bien que je n’ai pas prêté particulièrement attention aux sensations vécues dans mon corps à ce moment-là (ce qui aura son importance par la suite). Puis la première nuit et journée sont arrivées, et je me suis retrouvée face à un petit trésor ne faisant que dormir et ne se réveillant même pas pour réclamer à manger. A la maternité, on me demandait de le réveiller… toutes les trois heures… j’ai d’abord refusé tant bien que mal, puis on a insisté, on venait vérifier, on marquait les horaires… Epuisée et bien évidement ne sachant ce qui était « normal » ou pas, je me suis mise à faire tout le contraire de ce que j’avais toujours lu, entendu et de ce dont j’étais persuadée : respecter la demande de mon bébé. Tournant en boucle dans ma tête : « oui, mais si mon petit avait un problème ? » « et si j’étais le fait qu’il ne mange pas assez lui laisse des séquelles plus tard ? » « et si, et si, et si… », oui les choses prennent vite une ampleur pas possible dans ma tête à ce moment-là, mais je pense qu’il en est de même pour n’importe quelle nouvelle jeune maman un peu gauche, un peu perdue, complètement bouleversée hormonalement et totalement influençable.
En attendant, et malgré tout ça, le poids de mon fils continuait de baisser. Vraiment rien d’alarmant avec le recul, mais sur le coup, je ressentais une telle pression que j’avais la sensation de passer un examen avant chaque pesée. Tout ce que je voulais, c’était rentrer chez moi… or je savais que tant que mon bébé si petit ne reprendrait pas de poids (ne « casserait pas sa courbe » comme on dit dans le jargon !), on ne me laisserait pas sortir.
Nous sommes donc rentrés dans ce tourbillon épuisant pour essayer de le faire téter. Il finissait par s’endormir systématiquement au bout de quelques secondes sur mon sein. Je me revois encore le stimuler, lui caresser les cheveux, les joues, la nuque pour le tenir éveiller. Refuser les biberons de compléments proposés, tirer mon lait, lui donner à la seringue millilitre par millilitre, patiemment… Cela pendant 3 jours… jusqu’à ce qu’à ce qu’une merveilleuse auxiliaire puéricultrice dont je me souviendrai toute ma vie, Diana, me voyant complètement désemparée, épuisée, apeurée… a alors pris le temps. Elle s’est installée avec nous, m’a parlée, réconfortée, rassurée ET… est restée voir comment mon bébé tétait ! C’est alors qu’elle m’a expliqué au vu de tout un tas de détails alors complètement inconnus pour moi, que mon bébé était en fait en train de mâchouiller mon sein, mais ne mangeait strictement rien !!! Je pense qu’elle a senti ce mélange de désespoir dans mon regard… « presque 3 jours que je crois nourrir mon fils et lui donner le meilleur… presque 3 jours qu’il ne mange rien ou presque !!! ». Je vous passe le sentiment atroce de culpabilité… Finalement après plusieurs essais, enfin, oui, j’ai senti mon fils manger vraiment. Impossible de me tromper cette fois au vu des sensations : ce pincement tellement plus fort, presque douloureux, étonnant même, de la part de ce si petit bonhomme. De mon si petit bonhomme. Après cette journée et la nuit suivante pleines d’émotions, où j’ai enfin appris et réussi à mettre seule mon bébé au sein, nous avons enfin pu rentrer à la maison ! Tout était en route pour que la suite se passe le mieux et le plus simplement possible… pourtant…
Lors de la visite des un mois : de nouveau un problème de poids, notre bébé n’avait pas grossi suffisamment. J’imagine que vous devinez la suite : « mais est-ce que ton lait est assez riche ? », « ne t’embête donc pas et passe au biberon, ce sera plus simple pour tout le monde », « tu es sûr que tu veux continuer ? » « tu n’as pas peur pour la santé de ton bébé ? », « mais est-ce que tu as assez de lait ? »
Bien sûr que si j’avais peur. Bien sûr que je me posais mille et une question. Bien sûr que j’étais à nouveau rongée par la culpabilité de ne pas l’avoir suffisamment ou assez bien nourri, de ne pas avoir compris que lorsqu’il pleurait même un quart d’heure seulement après avoir tété, il réclamait à nouveau. De ne pas avoir senti que c’était de la faim et que son rythme alimentaire était comme le mien : celui d’un petit oiseau qui mange peu mais (très) souvent. Bien sûr que je réfléchissais aux impacts que cela allait avoir sur lui, sur son rapport à l’alimentation plus tard ; parce que je connais trop bien l’importance de nos premiers comportements vis-à-vis de la nourriture. Mais surtout, bien sûr que je souhaitais continuer à allaiter, en surveillant évidemment la santé et la prise de poids de mon petit bout.
Comment on a fait ? Oui, je dis « on » car dans cette épreuve, même si l’on a pas toujours été d’accord de prime abord, j’ai eu le soutien total de mon mari. Et heureusement, quel cadeau précieux ! L’allaitement c’est une affaire d’équipe et pas seulement entre le bébé et la maman. D’abord, on a appelé nos sages-femmes qui nous ont conseillé, puis une amie précieuse qui était passée exactement par ce même problème, qui nous a elle-même renvoyé vers une conseillère en lactation en or ! Après tous ces avis, toutes ces discussions, tous ces conseils, on a décidé de faire ce qui était le mieux selon nous, c’est-à-dire :
- laisser notre bébé téter VRAIMENT à la demande, et apprendre à reconnaître tous les signes (si infimes soient ils et presque imperceptibles lorsqu’on est tout jeune parent) nous montrant qu’il avait faim/envie de téter. Ce qui pouvait donc être tous les ¼ d’heure chez nous ! Autant vous dire que j’ai passé 3 semaines assise sur mon canapé à faire téter mon tout petit quasiment non stop. Ce qui était parfait puisqu’il me fallait absolument stimuler ma lactation. (« mais il est au sein toute la journée ce petit ? » // « oui, oui, et c’est exactement ce dont on a besoin tous les deux ! »)
- faire attention à ce que je mangeais et buvais : rien qui freine la production de lait (type persil, sauge, etc.) et au contraire mettre au menu tout ce qui pouvait l’augmenter (les fameuses tisanes d’anis, le fenouil, les graines germées de fenugrec, etc.)
- en plus des tétées très nombreuses de mon bébé le jour, me relever 2 fois la nuit pour tirer mon lait (dire qu’à cette époque mon petit poussin dormait… haha). Ca vraiment, c’était épuisant, mais aussi indispensable et je le referais sans hésiter s’il le fallait !
- Donner le lait que je tirais la nuit, la journée. Grâce à un système de DAL : dispositif d’aide à l’allaitement, ce n’est ni plus ni moins qu’une minuscule paille qui est plongée dans un biberon de lait et ensuite plaquée contre votre mamelon. Ce qui fait que lorsque bébé téte, il aspire en même temps ce surplus de lait. Il reprend plus de force et s’habitue aussi à téter plus fort et donc à stimuler de plus en plus votre lactation. Le DAL a été notre compagnon pendant peut-être un mois je dirais. Autre point qui me tenant particulièrement à cœur : aucune intervention de tétine, donc pas de risque de confusion avec le sein puisque ce sont deux systèmes de succions différents. Par contre, les premières tétées avec ce système ont été quelque peu épique, mais je voulais tellement que cela fonctionne que je me mettais la pression toute seule…
- Sur les 4 ou 5 compléments donnés par jour les deux premières semaines après la visite des 1 mois (car si notre bébé n’était nullement en danger, il était « urgent » de faire reprendre du poids à notre bébé, ne serait-ce que moralement pour nous), j’ai accepté d’en donner un ou deux de lait de jument (le lait animal le plus proche du lait maternel). Cela a beaucoup rassuré mon mari car au début je produisais encore trop peu de lait. Pour ma part, je ne trouvais pas forcément cela indispensable mais dans cette épreuve (car oui, sur le moment je vous assure que ça en était une!), il est essentiel de composer pour que tout le monde se sente bien, rassuré et confiant. C’est l’une des clés pour poursuivre et réussir l’allaitement !
- être toujours ultra motivée malgré les doutes et les questions qui se bousculaient parfois dans ma tête, sûre et certaine à 1000% de ce que je souhaitais, de notre projet d’allaitement. C’est cela qui m’a donné la force d’ignorer les remarques ou réflexions allant dans une autre direction que la nôtre. De ne pas me focaliser dessus pour ainsi ne pas leur laisser avoir la moindre importance. Savoir qu’il était bien plus utile de mettre mon énergie ailleurs dans ces moments là. Ca, c’est un point vraiment primordial pour tous les domaines de la vie, même si ce n’est pas toujours simple à appliquer. Les gens, proches ou moins proches, ont toujours un avis sur tout, parfois il le garde pour eux, parfois non. Et nous sommes aussi parfois dans le camp de ceux qui jugeons, ne l’oublions pas ! Quoique vous fassiez, il y aura toujours quelqu’un pour vous dire « mais tu comptes allaiter jusque quand ? » « il est pas un peu grand là » « il a des dents, il sait manger autrement non? » « c’est quoi la moyenne d’âge pour le sevrage ? ». Mais rassurez-vous, si vous n’allaitez pas ou si vous avez arrêté à quinze jours, 3 mois ou 5… vous aurez/ou avez sans doute eu aussi votre lot de remarques bien agréables « ha bon tu ne veux pas allaiter? » « tu sais pourtant que c’est meilleur pour la santé du bébé? » « tu arrêtes déjà à trois mois ? pourtant on peut tirer son lait même en travaillant… » Croyez-moi, moins vous accordez d’importance à ces remarques, plus vite elles disparaissent ! Avec certains proches : parents, beaux-parents, etc. c’est peut-être plus compliqué que d’autres. C’est aussi parfois la première fois que vous allez devoir imposer votre vision des choses, exprimer vos désaccords, montrer que vos envies et manières de faire seront peut-être différentes des leurs, sans pour autant être dans un jugement ou des reproches à leurs égards… Pour votre enfant (et pour vous aussi, qui passez du rôle d’enfant au rôle de parent vous-même), c’est important d’apprendre à le faire. A expliquer, dire, et surtout assumer quels sont vos choix pour lui. En commençant toujours dans l’ouverture et le dialogue, il n’est pas forcément la peine de partir au combat en premier lieu, la douceur ça marche aussi 😉 En ce qui concerne les autres, si certaines personnes ne comprennent pas, rien ne vous empêche de leur expliquer gentiment votre point de vue, ou tout simplement de leur dire que leurs réflexions vous blessent et ne vous aident pas beaucoup. Si alors rien de tout cela ne fait effet… vous êtes toujours libre de choisir qui vous décidez de fréquenter ou non. Devenir parents fait inévitablement évoluer vos relations, puisque cela vous fait inévitablement évoluer vous aussi… et pas toujours dans les mêmes directions. Ainsi va la Vie !
Globalement, en comptant les tous premiers jours intenses, je dirais que nous avons traversé 1 mois plutôt houleux : fatigants physiquement, angoissants, difficiles en tant que parents, que maman, que couple… 1 mois qui m’a paru extrêmement long lorsque je l’ai vécu. Mais finalement, qu’est-ce qu’un mois avec le recul ? Peut-être le mois qui m’a rapproché encore plus de mon petit prince et crée ce lien si fort que nous avons l’un envers l’autre. 1 mois à travers lequel j’ai intégré que l’important, c’était mon ressenti vis-à-vis de mon bébé, pas ce que les personnes de l’extérieur pouvaient penser ou dire. 1 mois qui m’a aidé à comprendre que dans ce chemin de la parentalité nous étions 2, ni plus, ni moins. 1 mois que je suis aujourd’hui tellement heureuse et fière d’avoir traversé. 1 mois qui me fait savourer encore chaque jour le plaisir incommensurable d’allaiter mon petit plus si petit.
Au rendez-vous du 2 ème mois, tous ces efforts ont été récompensé par une jolie prise de poids de notre petit coeur. Autant vous dire que nous l’avons vécu comme une jolie victoire de famille! Joie, soulagement, émerveillement, et bonheur de pouvoir poursuivre l’aventure avec plus de sérénité. Les semaines suivantes ont été colorées par de très nombreuses tétées par jour… ça c’était vraiment le rythme de notre poussin. Les seules petites difficultés qui ont suivi ont été lorsque j’ai repris le travail puisqu’il refusait de prendre le biberon, même lorsqu’il s’agissait de mon lait. Et ce même avec les biberons les plus proches physiologiquement de l’allaitement, dont le fameux mimijumi, de loin le mieux parmi ceux testés ici. Heureusement, j’ai le bonheur d’organiser mon temps de travail comme je l’entends et je faisais donc en fonction. Je n’ai été ennuyée qu’une seule fois par un engorgement, vite résolu avec des astuces naturelles et j’ai eu droit à quelques crevasses, mais elles se comptent sur les doigts d’une seule main.
Aujourd’hui à plus de 14 mois, nous continuons les tétées matin et soir, parfois plus s’il y a besoin. Notre lapin est un grand gourmand, il mange en général beaucoup aux repas. Les tétées sont donc bien plus de l’ordre affectif, ce qui ne me pose personnellement aucun problème. 14 mois, c’est encore si petit et il y a encore tant de chemin à faire. Pour moi, offrir ce côté affectif à mon enfant permet de le sécuriser, de le rassurer, de lui donner toutes les clés pour son autonomie et sa confiance de demain.
Et jusque quand je souhaite continuer (puisque depuis un moment déjà, ce sont les petites remarques à propos de l’allaitement long auxquelles j’ai droit maintenant… mais finalement très peu et je n’y prête plus attention) ? Tout cela pour vous dire, je ne sais pas… sincèrement… lorsque nous seront prêts, tous les deux !