Hier j’ai renoué avec le yoga. Je n’en avais pas refait depuis ma grossesse, et encore, c’était du yoga pré-natal. Un vrai moment pour moi, auquel je suis allée toute heureuse – surtout que c’était un cours particulier que me donnait une amie d’enfance, professeur de yoga en devenir – et aussi avec une pointe d’appréhension, j’avoue. Car le yoga est l’une de ces disciplines que me renvoie directement à mon rapport au corps.
J’ai pratiqué dans un groupe plusieurs années, alors que j’étais encore au lycée. Puis de manière plus épisodique ensuite, avec des vidéos toute seule à la maison. J’ai toujours trouvé ça très chouette, tout me plaisait, que cela soit les cours, les enseignants, et toute cette philosophie transmise accompagnant la discipline. Pourtant, je crois que toutes ces années je suis passée à côté de l’essentiel de cette pratique. Et c’est seulement hier que je m’en suis rendue compte. Que je l’ai perçu, dans mon corps justement.
J’aurais peut-être dû commencer par vous dire que mon corps de grande brindille élancée, est tout sauf souple. Plutôt chêne que roseau, vous voyez le genre ? Et ça, c’est un très gros complexe chez moi. Ce corps, qui m’a longtemps embarrassée. Ne sachant comment le tenir, le bouger, l’habiller, l’habiter tout entier… comme s’il était trop grand pour la toute petite fille que j’étais à l’intérieure. La petite fille qui ne voulait pas déranger et prendre de place. Un long périple composé de plusieurs périodes a alors commencé. D’abord, j’ai eu une grande phase « garçon manqué » où je cachais mon corps avec des pulls bien amples et de préférence noirs. Puis je me suis ensuite mise à porter des habits plus excentriques, colorés, aux formes étonnement bizarres attirant toutes sortes de remarques de mes proches. (Je suis à peu près sûre que certains de mes amis de l’époque pourraient vous en parler !). Et, en écrivant ces mots, je suis en train de comprendre qu’inconsciemment, je préférais alors attirer l’attention sur mes vêtements, et la détourner ainsi de ce corps qu’ils recouvraient. Puis ensuite est arrivée la période où j’ai insidieusement glissé dans ces travers qui tendent à vouloir le faire disparaître, ce corps. Mon corps. Une traversée du désert qui a duré de longues années. Non sans laisser quelques séquelles et complications par la suite, mais aujourd’hui, tout cela me parait bien loin. Un énorme travail sur moi, accompagné du regard doux et bienveillant de mon amoureux, du soutien de mes plus chers, et puis cette merveilleuse grossesse. Tous ces cadeaux m’ont amené à un nouveau rapport à lui. Un rapport que je n’aurais jamais espéré, plus sain, plus apaisé, plus doux Pourtant, hier, je me suis rendue compte qu’il y avait encore de petits ajustements nécessaires. Que si je l’assumais pleinement au quotidien, il m’embarrassait encore dans certaines situations. Précisement dans les situations où je ne dois pas faire les choses en force, mais avec douceur et lenteur… comme dans cette séance de yoga créee juste pour moi hier. Comme si mon amie avait senti et mis le doigt exactement sur ce qui pouvait me faire le plus de bien.
Je sais très bien que le yoga peut tout à fait se pratiquer sans avoir la souplesse de Madonna. C’est l’une des premières choses que l’on vous explique dans un cours. Et je sais très bien aussi, qu’en pratiquant, on va justement travailler sur cette souplesse. Physique… mais aussi mentale (ce qui, en bonne capricorne que je suis ne pourrait que me faire le plus grand bien ;-)). Je sais également que l’essentiel, c’est surtout de se faire du bien, de prendre conscience de notre corps, de ses capacités, de ses limites. Enfin tout ça c’est ma tête qui le sait, de manière cérébrale. Le cérébral… ça pour moi c’est simple et ça fonctionne plutôt vite, bien et beaucoup (trop)! Mais hier, j’ai eu comme un flash… Pratiquer avec cette amie, qui vit elle-même avec son propre corps certaines limitations physiques, m’a amené une superbe claque. Je me suis rendue compte que depuis toutes ces années, j’ai pratiqué le yoga en me faisant mal. En forçant et en insistant là où ça bloquait plutôt que d’y aller avec douceur et bienveillance. En insistant sur les postures les plus douloureuses voire impossibles à tenir pour moi. Comme si je cherchais à punir mon corps de ce qu’il était. A le forcer à être et à devenir différent. Et je dois dire qu’une part de moi à eu mal en réalisant cela. En prenant conscience que ce fonctionnement de me faire mal et repousser mes limites, était encore clairement l’une de mes façons de faire à l’heure actuelle. Dans plusieurs domaines de ma vie. En percevant que le fait d’amener quelque chose de plus doux à mon corps me renvoyait à cette sensation d’inconfort et de malaise vis-à-vis de lui.
Puis, je suis revenue à la séance, aux postures, aux échanges riches et doux avec mon amie. Et c’est alors que j’ai ressenti une sensation nouvelle. La faculté d’accueillir mon corps comme il était. A le laisser être. A respecter ses limites. A le respecter. A l’aimer. A lui demander pardon. Pardon de l’avoir traité si durement durant toutes ces années. Et alors, pour la première fois, j’ai pratiqué le yoga en me faisant plaisir et en éprouvant la plus grande et la plus belle des libertés intérieures.
Un immense MERCI du fond du coeur à mon amie d’avoir rendu ce moment possible et d’avoir si bien perçu ce qui pouvait me correspondre, en ce lieu, à cet instant.